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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/57

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IDYLLE SAPHIQUE

tume et d’ironie que l’on prête à Hamlet. Tu sais, Nhinon, pour quelque temps encore, prenons soin de ma réputation de jeune fille, je te servirai mieux dans l’hypocrisie de mon monde, car je veux te servir en tout et pour tout.

Sérieuse, Annhine penchait la tête vers son page.

— Me servir ? interrogea-t-elle… pauvre petite ! et un gros soupir accentua la phrase. Sais-je seulement ce que je veux ?

— Mais oui !… La voix de l’enfant s’assourdit. Ce que tu veux, je le sais bien, moi ! Tu veux l’indépendance, Nhinon, et seule la fortune peut te la donner. Tu asservis ta beauté, ta grâce et tes charmes au caprice de l’un et de l’autre, presque toujours sans plaisir ni envie, pour profiter — pardonne-moi d’employer un tel langage — pour profiter des belles années de ta jeunesse et entasser afin de devenir riche. Ah ! Nhine !… Attendrie, l’enfant la fixait d’un regard douloureusement affectueux… Eh bien, moi, je pourrai te faciliter ton But… je veux le faire afin de te prouver mon amour ! Oh ! ne dis rien, ne te récrie pas… je t’ai devinée, va, et je démêle tout le bien qui est en toi et qui transperce en tes moindres gestes ou paroles, en l’expression de ton angélique visage ! Ma Nhine, non semblable aux hommes qui t’admirent et prétendent t’aimer, qui jouissent de toi et de ton exquisité sans songer au lendemain de leur caprice… à l’hiver de ta vie, je veux t’aider toujours