Aller au contenu

Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/72

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
62
IDYLLE SAPHIQUE

Et adoucie, en expansive émotion, Annhine attira la petite contre elle et la pressa tendrement.

— Fais-moi t’aimer, murmura-t-elle… et je te bénirai. Tu m’es si douce, tu me tiens un langage qu’on ne m’a jamais parlé encore ! Tu m’ouvres de l’inconnu, de l’infini, Flossie, fais-moi t’aimer !…

Transportée, l’enfant eut un mouvement d’ineffable joie.

— Ah ! Nhine ! Nhine !… Oui, aime-moi ! aimons-nous ! Tu verras, que de bonheurs divins ! Je te serai plus tendre encore ! Ne parlons plus, tu m’aimeras, je le sens, puisque tu acceptes l’hommage de ma vie et de tout moi-même. Je sens auprès de toi ce que je n’ai encore jamais soupçonné… tu verras, tu verras !… Elle ne pouvait plus contenir ses larmes. Je serai ton amie, ta sœur, ton page. Je t’amènerai à moi lentement, sûrement, toute ! Et le reste du monde ne comptera plus pour nous.

Elle appuya sa tête sur l’épaule d’Annhine troublée qui la serra dans ses bras d’une affectueuse étreinte et la tint étroitement contre elle, surprise par un sentiment de tendresse douce et envahissante.

— Ah ! Flossie, que tu es prenante !

Elles restèrent ainsi longtemps, l’une contre l’autre et muettes… tout à ce premier bonheur d’union intime. Le coupé roulait sans bruit dans les profondeurs désertes du Bois assombri par le crépuscule qui venait. La lune pale et précoce, de cristal blanc, se montrait à travers les arbres dépourvus