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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/71

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IDYLLE SAPHIQUE

mour de Nhinon ! Mais oui ! Tu ne devines pas ?… Voici, je t’adore, je finis par me faire un peu aimer de toi, j’épouse Will et je te rends riche, ma maîtresse adorée, riche et indépendante du même coup ! Je t’élève, je te réhabilite, je t’épargne à jamais ces tristes questions de métier qui me désespèrent et je te laisse livrée à ton caprice impérieux et triomphant, désormais l’unique maître de diriger tes actes !

— Folle ! dit Annhine qui s’attendrissait. Tu crois vraiment que tout se passe ainsi qu’on le désire ?

— Et pourquoi pas ? Tu verras, mon amour sera plus fort que tout, il surmontera les obstacles que la vie et les stupides lois morales dresseront entre nous.

— Et si jamais je ne t’aime ?

— Tant pis ! Je voue quand même ma vie à ton bonheur, Annhine, et j’ai une volonté de fer… une ténacité qui ne peut se décourager… Et puis, être aimée, ce ne sera que le complément ! Aimer, c’est tout… Malgré toi-même, ma Nhinon, tu seras un jour heureuse par moi !

— Eh bien, oui ! Pourquoi douterais-je en somme ? Tout est possible ! C’est égal, ce serait drôle et peu banal d’avoir d’une femme ce que les hommes ne me donnent pas… j’accepte ! Mais je ne veux pas t’aimer pour cela ni te jouer la comédie d’un amour que je ne ressentirai pas ! Moi aussi je veux mettre de l’âme dans mes erreurs les plus invétérées. Fais-moi t’aimer, Flossie…