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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/83

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IDYLLE SAPHIQUE

le verre, à demi brisé, laissait pénétrer la pluie… De vieilles loques, un morceau de pain dur et informe, une cuvette ébréchée dans laquelle trempait du linge en guenilles, un morceau de glace éraillée qui pendait au mur, puis le portrait d’une femme, de la morte, sans doute, image triste et froide, sous un rameau de buis bénit.

À l’apparition de ces deux petites créatures de blondeur et de diaphanéité, l’homme sursauta… il crut rêver…

— C’est une artiste qui vient vous voir, dit Annhine très vite, en lui tendant la main. On m’a dit qu’en ce moment vous étiez en peine. J’ai passé par ici, alors j’ai pensé à venir vous aider un peu, si vous le vouliez bien.

Elle fut interrompue par une quinte de toux qui éclata, lugubre et râlante, déchirant la poitrine de l’enfant. Suffoquée, Flossie reculait en l’entraînant vers la porte.

— Ne vous dérangez pas, reprit-elle, je vous en prie. C’est votre baby ?

Se penchant vers le misérable grabat, elle aperçut, dans la paille sale, un ravissant visage d’enfant : deux grands yeux noirs, agrandis par la fièvre, marbrés d’un cercle mauve, une petite figure longue et blême, amaigrie, la bouche en feu, très rouge et toute mignonne, les cheveux roux collés aux tempes par une sueur malsaine.

— Mais il est malade !… Pauvre chéri !