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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/89

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IDYLLE SAPHIQUE

dans mon âme, il me prête un peu de son éclatante beauté, mais à tout autre moment je suis tout simplement de la boue, ma Nhine ; que cela ne t’étonne donc pas, que mon seul désir soit de toujours t’aimer et de te consacrer les moindres actes de ma vie. Cela me réhabilite, en fixant par un but quelconque toute ma perversité consciente et hors nature…

— Tiens, voilà le bas vice d’un cabaret… et Annhine la poussait dedans.

Là, le plafond, seule chose sensitive en ce lieu dégradé, vibrait et retentissait de gros rires. Des hommes en blouse jouaient au rams avec des cartes grasses et des mains sales, tandis que la fumée de leurs pipes essayait en vain de cacher des filles ivres-mortes, parmi des tessons de bouteilles et des débris de vaisselle. Nos deux chercheuses, en horreur et en effroi, se tenaient par le bras et demandèrent une menthe qu’elles payèrent sans y oser toucher. Les regards se dirigeaient vers elles, curieux, malveillants. Elles s’en allèrent très vite.

Nhine supplia :

— Floss ! Ah ! c’est encore pis ! Pourquoi la terre est-elle si affreuse ?

— Ferme les yeux, ma douceur, et laisse-moi te guider.

Elles errèrent ainsi. Tout d’un coup une odeur de renfermé et d’humidité saisit Nhine à la gorge. Elle ouvrit les yeux. Elle se trouvait dans une petite église, en une atmosphère malsaine de moisissure et