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Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/90

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IDYLLE SAPHIQUE

d’eau bénite, on soupçonnait des araignées dans les coins… Au maître-autel, une petite lampe achevait de se consumer avec un relent d’huile qui fume. Dans cette vague obscurité, Florence lui parla longuement de choses pâlement gothiques. Elles se sentaient obsédées par l’étrangeté de l’heure et du lieu.

— Vois, Nhine, les grotesques chimères nous font des grimaces, et tout autour l’air est imprégné de signes religieux. Le Christ a l’air de s’ennuyer en haut du crucifix. Tiens, il descend lentement et se traîne vers nous, péniblement. Ses mains sont jointes et il murmure des prières d’une voix faite aux lamentations… puis il nous parle, ses accents deviennent sincères, moins éteints. Nhine ! il déplore d’avoir enlevé toute beauté de la terre, il pleure l’ancienne joie de vivre. Il dit qu’il a mal remplacé les dieux ensoleillés de la Grèce par sa figure de blême lividité et de souffrance pleurarde, mais qu’aussi on l’a mal interprété, mal compris… que ses disciples ont déformé sa religion. Ils ont ainsi rendu la terre stérile de beautés et nulle de fleurs. En souvenir de Marie-Magdeleine, il aime à s’approcher de toi. Il devient pathétique et nous attriste encore. Pourquoi est-il venu nous déranger ? Laissons-le seul en sa demeure où on ne l’écoute plus que par hypocrisie. Son siècle de gloire décline ainsi que celui de tout Sauveur. Il n’y a pas de cultes faits pour l’éternité, sauf celui de la beauté ! Tout change, tout passe avec