Aller au contenu

Page:Pougy - Idylle saphique, 1901.djvu/93

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
83
IDYLLE SAPHIQUE

Et Flossie :

— Une prière, Nhine : couche-toi, endors-toi sous mon regard, je t’en supplie.

Annhine hésita une seconde, puis se décidant brusquement :

— Oui !… viens !… J’ai peur de la solitude. J’ai l’âme pénétrée de fantômes… Viens, Flossie !

Elle sonnait, cette simple petite chose la ramena à la réalité…

— Et puis il faut souper puisqu’on n’a pas dîné.

Elles entrèrent ensemble.

— Ernesta ! Préparez-nous quelque chose à manger, car nous n’avons encore rien pris.

À peine en son boudoir, elle se mit à enlever son manteau, à dégrafer sa robe, en hâte. Elle apparut en petit jupon de dessous, d’un bleu très clair et froufroutant, attaché au mignon corset de satin.

— Décidément, le bleu c’est ta couleur.

— Oui, Moon-Beam, je ne trouve rien de plus joli que le bleu, maintenant. Autrefois, j’aimais le rose, rien que le rose. C’était bon pour mon cerveau jeune et rempli d’illusions. Le rose, c’est la joie, l’espoir, la gaieté. Le bleu est une couleur plus assise, plus douce aussi, et reposante. Le bleu est vraiment la couleur que doit préférer une blonde de vingt-trois ans comme moi, assagie et calmée par la vie… c’est tendre le bleu, affectueux et bon. Plus tard… bientôt peut-être, ce sera le mauve. Le rose et le bleu réunis