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tout, c’est le cadre si vous voulez. Mais le tableau ? il ne manquait pas de charme cependant dans sa discrétion, et pour en donner une idée, il faut rappeler les couleurs ou les odeurs du milieu.

Je me souviens encore parfaitement de certains de ces cafés de quartier, tels qu’ils existaient un peu partout, il y a moins de cinquante ans encore ; mettons dans la première moitié du second empire.

D’abord les femmes, même en famille, n’y mettaient que bien rarement les pieds et comme les apéritifs étaient une chose à peu près inconnue, on n’y allait pas de cinq à sept heures comme aujourd’hui.

La clientèle de Monsieur Tout-le-Monde n’existait pas comme aujourd’hui ; il y avait seulement une clientèle spéciale, très spéciale même, à telle enseigne que l’on se montrait au doigt le monsieur qui fréquentait régulièrement son café dans le quartier. « C’est un pilier de café ! » L’expression disait tout et vous classait son homme au pilori de l’opinion publique. Jamais un honnête boutiquier ne lui aurait donné sa fille en mariage et c’est à peine si l’on aurait pardonné ce vice — dans une certaine mesure — à un vieux capitaine de la garde nationale.

C’est qu’alors il avait des gens qui passaient, en effet, pour vivre au café, tandis qu’aujourd’hui on n’y passe qu’un moment pour se désaltérer ou se reposer avant dîner et causer avec des amis, une demi-heure. Mais à quoi pouvaient-ils bien