ments à cordes ou à vent fussent ramassés en paquets. —
« Je ne dirige qu’avec le regard, dit Spontini. Mon œil gauche
est le premier violon, mon œil droit le second. Mais pour
agir avec le regard, il est nécessaire de ne pas porter de
lunettes comme le font les mauvais chefs d’orchestre, même
quand on a la vue basse. Moi, je ne vois guère à un pas
devant moi, et pourtant du regard j’obtions tout ce que je
veux. » Puis il empoigna son bâton par le milieu, comme un
bâton de maréchal, et attaqua la manœuvre. Ce fut la débandade.
Le régisseur était furieux, parce que Spontini exigeait
dans l’évolution des choristes la précision militaire qu’il
obtenait des chanteurs prussiens. Il fallut recommencer dix
fois. Le compositeur monta enfin sur la scène lui-même tandis
que le personnel énorvé se dispersait dans les coulisses,
et il fit aux lampistes et aux machinistes, groupés en demi-cercle
autour du septuagénaire impassible, une conférence
sur le véritable art théâtral. Mais Wagner admirait « une
énergie qui lui faisait comprendre comment Spontini avait
pu poursuivre et atteindre un des buts de l’art théâtral que
notre époque a presque perdu de vue. »
Malgré ses excentricités et son allemand de fantaisie, Spontini fascinait l’orchestre et les chanteurs, si bien qu’aux répétitions suivantes le personnel tout entier, revenu de sa frayeur, lui devint favorable. La représentation de La Vestale ne fut guère mieux, cependant, qu’un succès d’estime pour l’illustre compositeur, qui parut sur la scène tout constellé de décorations. Par bonheur, un baume vint calmer cette nouvelle blessure à son amour-propre : Spontini apprit à Dresde que le Pape venait de le nommer Comte de Saint-André et que le roi de Danemark lui avait conféré l’ordro de l’Éléphant. Des dîners furent donnés en son honneur. Il y rendit quelques oracles du haut de son enfantine vanité. Comme Mme Schroeder s’était permis de rire avec Mme Spontini (fille du grand fabricant de pianos Érard), il les arrêta vivement. « Je ne veux pas qu’on rie devant moi, dit-il ; je ne ris jamais, moi ; j’aime le sérieux… » Puis, se tournant vers Wagner : « — Quand j’ai entendu votre Rienzi, J’ai dit : C’est un homme de génie, mais il a déjà plus fait qu’il ne peut faire… Après Gluck, c’est moi qui ai fait la grande révolution avec La Vestale. Dans Cortez, j’ai