Page:Pourtalès - Wagner, histoire d'un artiste, 1948.pdf/27

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
9
LA CAMPAGNE DES POËTES

messieurs, essai intiiulé : Le Théâtre et le Public. Aussi les réunions de la maison du Lion blanc et rouge étaient-elles pour ce petit cercle d'amateurs du « noble art », d’exaltantes récréations. Malheureusement, Geyer devait toujours repartir pour Dresde, ou Breslau, ou beaucoup d’autres résidences princières ; et c’est ainsi qu’au jour de naissance puis de baptême du petit Richard, l’acteur se trouvait éloigné de cette Saxe où vivaient ses amis dans le fracas des armées.

Tout ce que l’on apprenait, durant ce terrible été de 1813, n’était guère rassurant. Et, bien que le Théâtre-Français, Talma en tête, fût venu pendant l’armistice donner la comédie à l’Empereur, ces apparences ne trompaient personne. On apprit sans désemparer la bataille de Dresde, la retraite rapide et difficile des Prussiens et des Autrichiens, l’enfoncement de Blücher par Mac Donald.

En octobre, les événements se précipitent. On se bat sous les murs de Leipzig. Napoléon prend ses quartiers dans la maison Thomé, celle-là même où se trouve le théâtre et qui forme la réstâence habltuelle de l’ancien prince-électeur devenu roi par la grâce d’un soldat de fortune. Mais les Saxons passent aux coalisés. Le canon tonne aux portes de la ville et brise tous les carreaux. L’armée française évacue en hâte. Et Mme Wagner, attirée par le bruit d’une cavalcade, vit défiler sous sa fenêtre une troupe de généraux à cheval au milieu desquels un homme un peu lourd et tête nue trottait pesamment. Elle reconnut tout de suite l’Empe­reur.

Les poëtes romantiques venaient de remporter la victoire sur le dernier génie de l’antiquité.