Page:Pourtalès - Wagner, histoire d'un artiste, 1948.pdf/28

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE II

Wagner-Geyer


Ces événements se passaient à Leipzig le 19 octobre de 1813. Quelques jours après, une épidémie de typhus décimait cette population éprouvée. Un mois plus tard, le 22 novembre, Frédéric Wagner y succomba. Et au mois de décembre de cette année tragique, deux des poëtes dont nous venons de voir triompher les rêves interviennent à leur tour dans l’histoire de l’enfant qui commençait à sourire dans la maison du Lion blanc et rouge. Or, la manière dont interviennent les poètes est toujours prophétique. Durant la nuit de la Saint-Sylvestre, Hoffmann mit le point final à son admirable conte du Vase d’Or. Et Jean-Paul écrivait de Bayreuth, où il habitait, les lignes suivantes pour la préface du conte de son ami : « Jusqu’ici, le dieu-lumière jetait de sa main droite le don de poésie, de sa gauche le don de musique à deux êtres placés si loin l’un de l’autre que nous attendons encore la venue de l’homme qui saura tout à la fois écrire et composer un opéra authentique. »

Frédéric Wagner, ce grand amateur de théâtre, ayant si brusquement disparu du mélodrame qu’est la vie, Ludwig Geyer se trouva demeurer seul auprès de Johanna, que ses larmes ne parvenaient même pas à enlaidir. Car on ne pouvait songer à l’appui de l’oncle Adolphe, barbon avant l’âge et enterré dans son réduit encombré par les livres des philologues et par ceux des poètes de tous les temps. Occupé et secret, il tenait à préserver sa complète indépendance et à ne point se mêler des affaires de sa belle-sœur. Celle-ci ne put donc compter que sur le dévouement de Geyer et elle n’eut point tort de s’en remettre à lui. Geyer l’aimait, peut-être