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ZARATHOUSTRA

Ces Boehme étaient de condition modeste, vivaient fort entassés dans leur logement avec leurs filles déjà grandes. Des amies venaient leur rendre visite dont l’une, Amélie Hoffmann, produisit sur l’adolescent une vive impression. Elle était belle, toujours soignée de mise, et lorsqu’elle entrait dans la chambre commune, transportait le jeune Richard d’admiration. Il lui arrivait alors de simuler un sommeil irrésistible, « afin, dit-il, d’obliger les jeunes filles à me soutenir jusque dans ma chambre, car, en semblable rencontre, je m’étais aperçu avec surprise et émotion du trouble délicieux où me jetait le contact de leurs corps ». Nous n’ajouterons pas plus d’importance qu’il ne convient à ce trouble souvenir. Mais aux verges près de Mlle Lambercier, on saisit ici cependant je ne sais quelle similitude de goût dans la défaillance passive avec Jean-Jacques. Peut-être, après tout, l’éveil de la puberté dans l’homme a-t-il presque toujours certaines analogies et se marque-t-il par des jouissances dont l’odorat et le toucher semblent être les agents essentiels.

Avec Robert Boehme, Richard entreprend bientôt à pied le voyage de Dresde à Prague, où il doit retrouver les siens. Mais comme tous deux sont fort à court d’argent, il s’agit de pourvoir aux moyens de s’en procurer. Richard n’est pas longtemps en peine. Qu’est-ce que l’argent, en somme ? L’un en a ; l’autre n’en a pas ; ce ne sont pas là des différences de valeur humaine. Et comme passe sur la grand’route une élégante berline, Richard sans hésiter s’avance vers les voyageurs, et il demande l’aumône, tandis que Robert se cache dans le fourré. C’est la première fois qu’il tend la main : ce ne sera pas la dernière.

« J’aime les grands contempteurs », dira Zarathoustra. « J’aime celui qui vit pour connaître et qui veut connaître. J’aime celui qui ne veut pas avoir trop de vertus. »


Ce fut le temps de son instruction religieuse et de sa première communion. Mais la communion seule a laissé trace dans son esprit, car pour le catéchisme, le jeune homme s’en soucie peu, se prenant déjâ pour un étudiant fort au-dessus de ces enfantillages. Il a quitté la famHte Boehme et s’est installé dans une mansarde où il travaille à un grand drame en vers : Leubald et Adélaïde. Cela est d’une autre importance