Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/109

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et ce qui venait d’arriver les favorisait. Mais l’air de tristesse qu’elle conserva pendant toute la soirée me fit penser ensuite que ce moment était mal choisi. Je me bornai à lui répéter plusieurs fois qu’elle devait être tranquille avec la certitude qu’elle avait de ne manquer de rien. Elle me dit que ce qui la touchait le plus dans mes offres était l’assurance qu’elle y trouvait de la continuation de mes sentiments pour elle ; mais quoique ce compliment eût l’air affectueux, il me parut accompagné de tant d’amertume de cœur, que je voulus laisser à son chagrin le temps de la nuit pour se dissiper.

Je le passai avec plus de tranquillité, parce que m’étant fixé enfin à mes résolutions, la naissance de Théophé qui passait pour certaine à mes yeux avait achevé d’effacer les idées importunes qui revenaient toujours blesser ma délicatesse. Elle avait essuyé des épreuves révoltantes ; mais avec tant de belles qualités et la noblesse de son origine, en aurais-je voulu faire ma maîtresse si elle n’eût rien eu à se faire reprocher du côté de l’honneur ! Il se faisait de ses perfections et de ses taches une compensation qui semblait la rendre propre à l’état où je voulais l’engager. Je m’endormis dans cette idée, à laquelle il fallait bien que j’attachasse déjà plus de douceur que je ne me l’étais jusqu’alors imaginé, puisque je fus si sensible à la nouvelle qui vint troubler mon réveil. Ce fut le maître de langues, qui fit deman-