Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/117

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Je crus toutes mes prédictions déjà remplies, et dans le dépit dont je ne pus me défendre, il s’en fallut peu que, renonçant à toute liaison avec Théophé, je ne retournasse chez moi sans la voir. Mais le motif qui me faisait agir continuant de se déguiser, je voulus donner à la curiosité ce qui me semblait que je ne souhaitais plus par aucun autre intérêt. Je fis monter le maître de langues, pour l’avertir que je demandais à lui parler. Le trouble où la jeta mon nom lui ôta longtemps le pouvoir de répondre. Enfin le maître de langues revenant à moi, me dit que le jeune homme qu’il avait trouvé avec elle était le plus jeune des trois fils de Condoidi. J’entrai aussitôt. Elle fit un mouvement pour se jeter à mes pieds ; je la retins malgré elle, et, plus tranquille en reconnaissant son frère que je n’aurais dû l’être après tant d’agitation, si mes sentiments n’avaient point été d’une autre nature que je ne les croyais encore, je pensai bien moins à lui faire des reproches qu’à lui marquer la joie que j’avais de la retrouver.

En effet, comme s’il était arrivé quelque changement dans mes yeux depuis le jour précédent, je demeurai quelque temps à la regarder avec un goût, ou plutôt avec une avidité que je n’avais jamais sentie. Toute la figure, pour laquelle il m’avait paru jusqu’alors que je n’avais eu qu’une admiration modérée, me touchait jusqu’à me faire avancer ma chaise avec une espèce de transport, pour me placer