Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/136

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quelle il s’était fait écouter sur le bonheur d’un moment, et connaissant sa bonne foi, je lui demandai quelque explication sur cette visite qui m’avait causé tant d’étonnement. Il ne se fit pas presser pour me découvrir qu’ayant envoyé le même jour à Théophé divers présents qu’elle avait reçus, me dit-il, sans répondre à sa lettre, il avait fait pressentir le maître de langues sur le dessein où il était de se rendre secrètement chez lui, et que l’espoir d’être récompensé avait engagé une âme mercenaire à lui ouvrir sa maison. À la vérité il l’avait fait avertir que je m’y trouvais régulièrement le soir.

« Mais n’ayant pour elle, continua le Sélictar, que les sentiments que vous me connaissez, et n’ignorant point de quelle nature sont les vôtres, je n’ai pas trouvé que votre présence fût importune, et je suis ravi au contraire de vous avoir eu pour témoin de la vérité de mes promesses. »

Il me répéta qu’il était résolu de les exécuter fidèlement et qu’il voulait faire l’essai d’un bonheur que les musulmans ne connaissaient pas.

Je louai malgré moi la noblesse de ce procédé. Joignant même au chagrin que je venais d’essuyer, le souvenir des termes où j’en étais avec lui, et mille scrupules d’honneur auxquels je ne pouvais m’empêcher d’être sensible, je résolus de combattre des sentiments auxquels j’avais laissé prendre