Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/137

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trop d’empire, et je quittai le Sélictar avec cette pensée. Mais à peine était-il éloigné de quelques pas que j’entendis appeler par son nom mon valet de chambre, qui était le seul domestique que j’eusse avec moi. Je reconnus Jazir, l’esclave que j’avais mis auprès de Théophé. La réflexion avec laquelle j’avais quitté le Sélictar agissait encore si fortement, que j’ouvris la bouche pour le charger de quelques ordres qui auraient paru durs à sa maîtresse. Mais il me prévint par ceux qu’il m’apportait.

Théophé l’avait dépêché après moi, pour me prier de retourner chez elle, et lui avait recommandé d’attendre à quelque distance que j’eusse quitté le Sélictar. Il s’éleva quelque combat dans mon cœur entre le juste dépit qui s’y était fortifié par l’entretien que je venais de finir, et l’inclination qui me portait encore à regretter les espérances que j’avais perdues. Mais je crus éviter l’embarras de cette discussion en prenant pour retourner sur mes pas un motif qui n’avait rien de commun avec les mouvements qui m’agitaient. J’avais oublié ma montre, que j’aimais singulièrement pour l’excellence de l’ouvrage. Ainsi, sans examiner si ce n’était pas à mon valet de chambre qu’il convenait de l’aller prendre, je retournai avec l’esclave, assez satisfait d’avoir ce prétexte pour déguiser ma faiblesse à moi-même. Que me dira l’infidèle ? Par quelle excuse l’ingrate va-t-elle justifier sa légèreté ?