Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/142

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ment de passion que je n’avais plus la force de déguiser ; et quoiqu’il me soit venu à l’esprit de la faire partir seule avec mon valet de chambre, pour laisser le maître de langues plus incertain de sa route, je ne pus résister au plaisir que j’allais avoir de me trouver avec elle dans une même chaise, maître de son sort et de sa personne par le consentement volontaire qu’elle avait donné à notre départ ; maître de son cœur, car pourquoi dissimulerais-je le bonheur dont je me flattais ? Et quelle autre explication pouvais-je donner au parti qu’elle prenait de se jeter dans mes bras avec cette confiance ?

Je ne fus pas plutôt à côté d’elle, que prenant un baiser passionné sur ses lèvres, j’eus la douceur de la rendre sensible à cette caresse. Un soupir, qui lui échappa malgré elle, me fit encore juger plus favorablement de ce qui se passait dans son cœur. Pendant toute la route je tins sa main serrée dans les miennes, et je crus remarquer qu’elle y trouvait autant de douceur que moi. Je ne lui dis pas un mot qui ne fût mêlé de quelque marque de tendresse, et mes discours mêmes, quoique aussi mesurés que mes actions par un goût de bienséance qui m’a toujours été naturel, se ressentirent continuellement du feu qui prenait plus de force que jamais dans mon cœur.

Si Théophé se défendit quelquefois contre l’ardeur de mes expressions, ce ne fut point par des mépris ni par des rigueurs. Elle me