Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/143

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priait seulement de ne pas employer mal à propos un langage si tendre et si doux, avec une femme qui n’était accoutumée qu’aux usages tyranniques du sérail ; et lorsque cette manière de se défendre me faisait redoubler mes caresses, elle ajoutait qu’il n’était plus surprenant que le sort des femmes fût heureux dans ma patrie, si tous les hommes s’y accordaient à les traiter avec des complaisances si excessives.

Il était environ minuit lorsque nous arrivâmes à ma campagne, qui était située près d’un village nommé Oru. Quoique je n’y eusse point ordonné des préparatifs extraordinaires, il s’y trouvait toujours de quoi traiter honnêtement mes amis, que j’y menais quelquefois aux heures où j’y étais le moins attendu. Je parlai de souper en arrivant. Théophé me témoigna qu’elle avait besoin de repos plus que de nourriture. Mais j’insistai sur la nécessité de nous rafraîchir du moins par une collation légère et délicate. Nous passâmes peu de temps à table, et j’employai moins à manger qu’à satisfaire d’avance une partie de mes tendres désirs par le badinage de mes discours et par l’ardeur de mes regards.

J’avais marqué l’appartement où je me proposais de passer la nuit, et l’une des raisons qui m’avaient fait presser Théophé de prendre quelques rafraîchissements, avait été pour donner le temps à mes domestiques de l’orner avec la dernière élégance. Enfin,