Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/147

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été le plus étrange spectacle du monde que de nous voir l’un et l’autre aussi abattus que si nous eussions été frappés subitement de quelque maladie.

Cependant, je m’excitai à sortir de cette pesanteur, et, faisant de nouveaux efforts pour me rendre maître de la main de Théophé, je vins à bout de la retenir enfin dans les miennes.

« Un moment, lui dis-je pendant ce tendre combat, souffrez que je la prenne un moment pour vous parler et pour vous entendre ! »

Elle parut céder à la crainte de m’offenser, plutôt qu’au désir de me satisfaire.

« Hélas ! qu’ai-je le droit de vous refuser ? me répéta-t-elle avec la même langueur. Ai-je en mon pouvoir quelque chose qui ne soit pas à vous plus qu’à moi-même ? Mais non, non, je ne m’y serais jamais attendue ! »

Ses pleurs commencèrent à couler avec plus d’abondance. Dans l’embarras où me jeta cette scène, il me vint quelque doute de sa sincérité. Je me souvenais d’avoir entendu mille fois que la plupart des filles Turques se font une gloire de disputer longtemps les faveurs de l’amour, et je fus prêt, dans cette pensée, à compter pour rien sa résistance et ses larmes. Cependant, l’ingénuité que je remarquais dans sa douleur, et la honte que j’aurais eue de ne pas répondre à l’opinion qu’elle avait de moi si elle était