Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/148

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sincère, me fit surmonter au même moment tout mes transports.

« Ne craignez point de lever les yeux sur moi, lui dis-je en voyant qu’elle continuait de les tenir baissés, et reconnaissez-moi pour l’homme du monde qui est le moins capable de vous chagriner ou de faire violence à vos inclinations. Mes désirs sont l’effet naturel de vos charmes, et j’avais pensé que vous ne me refuseriez point ce que vous avez accordé volontairement au fils du gouverneur de Patras et au Bacha Chériber. Mais les mouvements du cœur ne sont pas libres… »

Elle m’interrompit par une exclamation qui me parut venir d’un cœur pénétré d’amertume ; et lorsque je me flattais de lui tenir un discours propre à l’apaiser, elle me fit connaître que je mettais le comble à sa douleur. Ne comprenant plus rien à cette bizarre aventure, et n’osant même ajouter un seul mot dans la crainte de ne pas pénétrer plus heureusement ses intentions, je la suppliai donc de m’apprendre elle-même, ce que je devais faire, ce que je devais dire, pour dissiper le chagrin que je lui avais causé, et de ne me pas faire un crime de ce qu’elle ne pouvait regarder après tout comme une offense. Il me parut que le ton que je pris pour lui faire cette prière, lui fit craindre à son tour de m’avoir choqué par ses plaintes. Elle me serra la main, avec un mouvement où je reconnus de l’inquiétude.