Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/156

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que personne n’était plus à plaindre qu’elle, et que le discours que je lui tenais était précisément le malheur auquel elle s’était attendu. Je la pressai de parler plus clairement.

« Hélas ! reprit-elle ; en me faisant cette déclaration de vos sentiments, que vous rendez peu de justice aux miens ! Après ce qui se passa hier ici, vous ne pouvez prendre ce ton avec moi que par une suite des mêmes idées ; et je meurs de chagrin que, depuis le temps que je m’efforce de vous faire voir quelque jour le fond de mon cœur, j’aie si mal réussi à vous faire connaître ce qui s’y passe. »

Cette plainte ne faisant que redoubler ma curiosité, je lui confessai avec autant de franchise dans mes termes que dans l’air de mon visage, que tout ce qui la regardait depuis que je l’avais vue pour la première fois, avait été pour moi une énigme perpétuelle, que son discours même me rendait plus difficile à pénétrer.

« Parlez donc naturellement, lui dis-je encore ; pourquoi balancez-vous ? À qui vous ouvrirez-vous jamais avec plus de confiance ?

— Ce sont vos questions mêmes, me répondit-elle enfin, c’est la nécessité où vous me mettez de parler clairement qui cause mon chagrin. Quoi ? vous avez besoin d’explication pour concevoir que je suis la plus malheureuse personne de mon sexe ? Vous,