Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/162

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le sein de la Turquie, au sortir d’un sérail, une personne de votre âge ait saisi tout d’un coup, non seulement l’idée, mais le goût même de la plus haute sagesse ? Qu’ai-je dit, qu’ai-je fait de propre à vous l’inspirer ? Quelques réflexions hasardées sur nos usages ont-elles pu faire naître dans votre cœur un si heureux penchant ? Non, non, vous ne le devez qu’à vous-même ; et votre éducation qui l’a tenu jusqu’à présent comme lié par la force de l’habitude, est un malheur de la fortune dont il n’y a point de reproche à vous faire.

« Ce que je veux d’abord en conclure, continuai-je avec la même modération, c’est que vous seriez également injuste, et de vous offenser des vues que j’ai eues sur vous, puisqu’il n’était pas naturel que je pénétrasse tout d’un coup les vôtres, et de croire qu’on puisse se prévaloir du passé pour vous refuser l’estime que vous allez mériter par une conduite digne de vos sentiments. Abandonnez vos projets de voyage ; jeune et sans expérience du monde, vous n’en devez rien attendre d’heureux. La vertu, dont on a des idées si justes en Europe, n’y est guère mieux pratiquée qu’en Turquie. Vous trouverez des passions et des vices dans tous les pays qui sont habités par des hommes. Mais si mes promesses peuvent vous inspirer quelque confiance, reposez-vous sur des sentiments qui ont déjà changé de nature, et qui ne m’inspireront plus d’ardeur que pour