Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/170

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Quoique je me reprochasse avec raison d’avoir donné au Sélictar une ouverture dont je le voyais résolu de profiter, je fus si satisfait de m’être délivré par une voie si nette de scrupules qui m’avaient troublé, que je comptai pour rien l’embarras de le voir à Oru. Il aurait eu sujet de s’offenser si j’eusse balancé à lui promettre cette satisfaction, et les soupçons dont sa propre droiture autant que l’opinion qu’il avait de la mienne avait eu la force de le défendre jusqu’alors, auraient peut-être commencé à naître et causé aussitôt la ruine de notre amitié. Je ne pensai en le quittant qu’à remplir les promesses que j’avais faites à Théophé.

Connaissant son goût pour la peinture, qui ne s’était encore exercé qu’à représenter des fleurs, suivant la loi qui interdit aux Turcs la représentation de toutes les créatures vivantes, je cherchai un peintre qui pût lui montrer le dessin et le portrait. En lui choisissant d’autres maîtres pour les arts et les exercices de l’Europe, il me vint à l’esprit une pensée que je combattis longtemps, mais que la Providence, dont il ne faut pas entreprendre d’approfondir les secrets, fit prévaloir à la fin sur toutes mes difficultés. Dans la persuasion où j’étais que le jeune Condoidi était son frère, il me parut d’autant plus naturel de les associer pour leur éducation, que la plupart des maîtres que je leur donnais à l’un et à l’autre étaient les mêmes. Ce dessein faisait supposer que Condoidi