Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/171

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ferait aussi sa demeure à Oru ; et loin d’y trouver le moindre sujet d’objection, je me réjouissais au contraire de pouvoir donner à Théophé une compagnie habituelle, qui lui ferait éviter l’ennui de la solitude. S’il faut que je le confesse, la principale difficile que j’eus à combattre ne fut pas bien démêlée dans mon esprit, et ce fut peut-être l’obligation où je me crus de l’en éloigner qui m’empêcha d’en former d’autres auxquelles j’aurais pu trouver plus de raisons de m’arrêter. Je pensai confusément, et sans oser me l’avouer à moi-même, que la présence continuelle de ce jeune homme m’ôterait la liberté d’être seul avec Théophé, mais étant résolu dans le fond de m’en tenir religieusement à toutes mes promesses, je ne roulai quelque temps cette idée que pour la rejeter.

Synèse (c’était le nom du jeune Condoidi) apprit avec beaucoup de joie ce que l’estime et l’inclination me faisaient entreprendre pour sa sœur. Il n’en marqua pas moins la résolution où j’étais de le faire vivre avec elle, et de leur faire recevoir les mêmes instructions. Je le fis partir dès le jour même pour Oru, avec tout ce que je destinais à l’amusement de Théophé. Leur père, qui savait enfin que je m’étais attaché son fils, et qui était déjà venu pour m’en faire des remerciements, reparut chez moi sur l’avis que Synèse lui fit donner de mon arrivée. Il me reconnut avec étonnement, et je fus persuadé par son embarras que Synèse avait eu