Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/175

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tout dans un pays où les besoins de la nature semblent augmenter avec la liberté de les satisfaire. En réfléchissant depuis sur la cause de ce changement, j’ai conçu que les facultés naturelles qui sont la source des désirs, prennent peut-être un autre cours dans un homme qui aime, que dans ceux qui n’ont pour tout aiguillon que la chaleur de l’âge. L’impression que la beauté fait sur tous les sens divise l’action de la nature. Et ce que je nomme les facultés naturelles, pour éloigner des idées qui paraîtraient sales, remonte ainsi par les mêmes voies qui l’ont apporté dans les réservoirs ordinaires, se mêle dans la masse du sang, y couve cette sorte de fermentation ou d’incendie, en quoi l’on peut faire consister proprement l’amour, et ne reprend la route qui le fait servir à l’acte du plaisir, que lorsqu’il y est rappelé par l’exercice.

Le Sélictar venait troubler quelquefois cette vie délicieuse. J’avais préparé mon élève à ses visites, et voulant même l’accoutumer à regarder la société des hommes d’un autre œil que les femmes turques, qui ne s’imaginent point qu’il y ait du commerce avec eux sans amour, je lui avais recommandé de recevoir avec politesse un homme dont l’estime lui faisait honneur, et dont la tendresse ne devait plus lui causer d’inquiétude. Il avait répondu à l’opinion que j’avais de lui, par une conduite si modeste qu’elle me causait de l’admiration pour ses sentiments. Il