Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/174

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d’abord que Théophé n’usât trop rigoureusement de l’offre que je lui avais faite de me priver de la voir. Mais croyant remarquer au contraire qu’elle prenait plaisir à mon entretien, je m’oubliais près d’elle pendant des jours entiers, et j’apprenais dans cette familiarité à connaître de plus en plus toutes les perfections dont la nature avait orné son caractère. Ce fut de moi-même qu’elle reçut les premières leçons de notre langue. Elle y fit des progrès surprenants. Je lui avais vanté les fruits qu’elle en pourrait tirer par la lecture, et son impatience était de se voir à la main un livre français qu’elle pût entendre. Je n’en avais pas moins qu’elle, et je satisfaisais d’avance une partie de la sienne, en lui traçant des images imparfaites de ce qu’elle devait trouver avec plus de méthode et d’étendue dans nos bons écrivains. Il ne m’échappait rien qui eût rapport à mes sentiments. La douceur de la voir, et celle de l’entendre, étaient des plaisirs innocents dont j’étais comme enivré. J’aurais appréhendé de diminuer par quelque retour de faiblesse la confiance qu’elle m’avait rendue, et qui me paraissait surprenante à moi-même ; je me sentais si peu tourmenté par cette chaleur de tempérament qui rend quelquefois la privation de certains plaisirs assez difficile à l’âge où j’étais, que je me les retranchais sans peine, et même sans réflexion, quoique je ne me fusse point imposé jusqu’alors des lois fort étroites à l’égard des femmes, sur-