Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/186

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rage ; et dans un pays où les ressentiments se dissipent après leur première chaleur, le danger n’est jamais grand pour ceux qui savent d’abord l’éviter. Cependant les devoirs de mon emploi ne me laissant pas toujours la liberté de me livrer sans précaution aux mouvements de l’amitié, je pris le parti de retourner promptement à Constantinople, pour m’assurer des événements par mes propres yeux.

Mais, en lisant mes lettres, j’avais aperçu Synèse, qui était effectivement à m’attendre, et dont la contenance timide semblait m’annoncer quelque nouvelle scène. Il prévint les reproches dont j’allais l’accabler. À peine m’eut-il vu finir ma lecture que, se jetant à mes genoux, avec un air d’humiliation qui ne coûte pas beaucoup aux Grecs, il me conjura d’oublier tout ce qu’il m’avait dit de la naissance de Théophé, et de lui permettre de vivre à Oru avec plus de disposition que jamais à la reconnaître pour sa sœur. Il ne comprenait pas, ajouta-t-il, par quel caprice il avait pu douter un moment d’une vérité dont il sentait le témoignage au fond de son cœur, et malgré l’injustice de son père il était résolu de soutenir publiquement que Théophé était sa sœur. Je n’eus pas de peine à pénétrer l’adresse du jeune Grec. N’ayant tiré aucun fruit de son artifice, il voulait se conserver du moins les plaisirs dont il était en possession. Ils ne lui causaient pas beaucoup de