Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/32

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Non, reprit-il, ce n’est point un caractère qui soit plus propre à nos femmes qu’à celles de tout autre pays. De vingt-deux que vous voyez ici, il n’y en a pas quatre qui soient nées Turques. La plupart sont des esclaves que j’ai achetées sans distinction. »

Et, me faisant jeter les yeux sur une des plus jeunes et des plus aimables.

« C’est une Grecque, me dit-il, que je n’ai que depuis six mois. J’ignore des mains de qui elle sortait. Le seul agrément de sa figure et de son esprit me l’a fait prendre au hasard, et vous la voyez aussi contente de son sort que le reste de ses compagnes. Cependant, avec l’étendue et la vivacité du génie que je lui connais, j’admire quelquefois qu’elle ait pu s’assujettir si tôt à nos usages, et je n’en puis trouver d’autre raison que la force de l’exemple et de l’habitude. Vous pouvez l’entretenir un moment, me dit-il, et je suis trompé si vous n’y découvrez tout le mérite qui élève chez vous les femmes à la plus haute fortune et qui les rend propres aux plus grandes affaires. »

Je m’approchai d’elle. Son goût était pour la peinture, et, peu attentive en apparence à ce qui se passait dans le salon, elle n’avait cessé de danser que pour reprendre son pinceau. Après quelques politesses sur la liberté que je prenais de l’interrompre, il ne s’offrit rien de mieux à mon esprit que ce que je venais d’apprendre de Chériber. Je la félicitai sur les qualités naturelles qui la ren-