daient chère à son maître, et, lui faisant connaître que je n’ignorais pas depuis quel temps elle était à lui, j’admirai que dans un espace si court elle se fut formée si parfaitement aux usages et aux exercices des dames turques. Sa réponse fut simple. Une femme, me dit-elle, n’ayant point d’autre honneur à espérer que celui de plaire à son maître, elle se trouvait fort heureuse si Chériber avait d’elle l’opinion qu’il m’en avait fait prendre, et je ne devais pas être surpris qu’avec ce motif elle se fût conformée si facilement aux lois qu’il avait établies pour ses esclaves.
Ce dévouement sincère aux volontés d’un vieillard dans une fille charmante qui n’avait pas en effet plus de seize ans, me parut beaucoup plus admirable que tout ce que j’avais entendu du Bacha. Je croyais remarquer à l’air autant qu’au discours de la jeune esclave, qu’elle était pénétrée du sentiment qu’elle venait d’exprimer. La comparaison qui se fit dans mon esprit entre les principes de nos dames et les siens me porta sans dessein à lui marquer quelque regret de la voir née pour un autre sort que celui qu’elle méritait par tant de complaisance et de bonté. Je lui parlai avec douleur de l’infortune des pays chrétiens, où les hommes n’épargnant rien pour le bonheur des femmes, les traitant en reines plutôt qu’en esclaves, se livrant à elles sans partage, ne leur demandant, pour unique retour, de la douceur, de la tendresse et de la vertu, ils se trouvent