Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/50

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quel il semblait que son âme se répandît tout entière. Et touché moi-même jusqu’aux larmes des expressions d’une si vive reconnaissance, je perdis comme la force de repousser ses tendres caresses, et je lui laissai toute la liberté de se satisfaire. Enfin lorsque je crus m’apercevoir qu’elle revenait un peu de son agitation, je la levai entre mes bras, et je la plaçai dans un lieu plus commode où je m’assis auprès d’elle.

Après avoir repris haleine pendant quelques moments, elle me répéta avec plus d’ordre ce qu’elle avait déjà commencé dans vingt discours interrompus. C’étaient des remerciements affectueux du service que je lui avais rendu, des marques d’admiration pour ma bonté, des prières ardentes au Ciel de me rendre avec une profusion de faveurs ce que toutes ses forces et tout son sang ne pourraient jamais la mettre en état de payer. Elle s’était fait une mortelle violence pour retenir ses transports aux yeux du Sélictar. Elle n’avait pas moins souffert du délai de ma visite, et si je n’étais pas persuadé qu’elle ne voulait vivre et respirer que pour se rendre digne de mes bienfaits, j’allais la rendre plus malheureuse qu’elle ne l’avait été dans l’esclavage. Je l’interrompis, pour l’assurer que des sentiments si vifs et si sincères étaient déjà un retour égal à mes services. Et ne pensant qu’à détourner des transports que je voyais prêts à se renouveler, je lui demandai pour unique faveur de m’appren-