Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/57

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cherchait à s’assurer si son père était mort, pour se mettre à couvert aussitôt par la fuite. Je lui rendis témoignage de tout ce que j’avais vu. Sa douleur me parut sincère. Il m’apprit en deux mots qu’étant allé avec plus de crainte que de colère pour s’expliquer sur le commerce qu’il avait eu avec moi, son père furieux de cette déclaration, avait voulu lui ôter la vie de son poignard, et il n’avait pu s’en défendre qu’en le prévenant avec le sien. Il me proposa de l’accompagner dans sa fuite ; mais au moment qu’il m’en pressait avec beaucoup d’instances, nous fûmes enveloppés de plusieurs personnes qui le reconnurent, et qui, sur le bruit qui s’était déjà répandu de son crime, se prêtèrent la main pour l’arrêter. On me laissa libre. Je me rendis secrètement chez mon père, qui me reçut avec un transport de joie.

« N’étant pas mêlé dans une si funeste aventure, il se proposa sur le champ de recueillir tout ce qu’il avait amassé pendant son séjour à Patras, et de quitter cette ville avec moi. Il ne m’expliquait point quelles étaient ses vues, et ma simplicité me les faisait encore moins appréhender. Nous partîmes sans obstacles. Mais à peine fûmes-nous en mer, qu’il me tint un discours qui m’affligea.

« — Vous êtes jeune, me dit-il, et la nature vous a donné tout ce qui est capable d’élever une femme à la plus haute fortune. Je vous