Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/69

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admiration. Personne ne pouvant satisfaire à cette question, on prit le parti de s’adresser à moi. Mais en convenant que j’étais à vendre, je commençai par demander à mon tour qui étaient ceux qui pensaient à m’acheter. Une aventure si extraordinaire fit redoubler autour de moi la foule. Les marchands, aussi avides que les spectateurs, me firent des propositions que je dédaignai. Il se trouva quelques personnes qui répondirent à la question que j’avais faite, en me déclarant leurs noms et leurs qualités ; mais comme je n’entendis rien d’assez relevé pour satisfaire mon ambition, je m’obstinai à rejeter leurs offres. L’étonnement de ceux qui m’admiraient parut redoubler, lorsqu’ayant aperçu à quelque distance de moi une femme qui portait quelques aliments, la faim qui commençait à me dévorer me fit avancer rapidement vers elle. Je la conjurai de ne pas me refuser un secours dont la nécessité était pressante. Elle me l’accorda. J’en profitai avec une ardeur qui rendit tout le monde attentif au spectacle. On n’y comprenait rien. Je voyais dans les uns de la compassion pour mon sort, dans les autres de la curiosité, et dans presque tous les hommes les regards et les désirs de l’amour. Ces impressions, que je croyais démêler, soutenaient l’opinion que j’avais de moi, et me persuadèrent que cette scène tournerait à mon avantage.

« Après avoir essuyé mille questions aux-