Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/70

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quelles je refusais de satisfaire, la foule s’ouvrit enfin pour faire place à un homme qui s’était informé en passant de ce qui attirait la multitude de curieux qu’il voyait au marché. On lui avait raconté ce qui causait la surprise de tout le monde, et il ne s’approchait que pour contenter la sienne. Quoique les égards qu’on marquait pour lui me disposassent à le recevoir avec plus de complaisance, je ne consentis à lui répondre qu’après avoir su de lui-même qu’il était l’intendant du Bacha Chériber. Je voulus savoir encore quel était le caractère particulier de son maître. Il m’apprit qu’il avait été Bacha d’Égypte, et qu’il possédait d’immenses richesses. Alors, m’approchant de son oreille, je lui dis que s’il me trouvait capable de plaire au Bacha, il m’obligerait beaucoup de me présenter à lui. Il ne se fit pas répéter cette prière, et, me prenant par la main, il me conduisit à sa voiture, qu’il avait quittée pour s’avancer jusqu’à moi. J’entendis les regrets de ceux qui me voyaient échapper, et leurs conjectures sur un événement qui leur paraissait plus obscur que jamais.

« En chemin, l’intendant du Bacha me demanda l’explication de mes desseins, et par quelle aventure une jeune Grecque, telle qu’on pouvait me reconnaître à mon habillement, se trouvait seule et maîtresse d’elle-même. Je lui composai une histoire qui n’était pas sans vraisemblance, mais où ma naïveté se trahissait assez pour lui faire con-