Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/71

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clure qu’il avait quelque profit à tirer du service qu’il allait rendre à son maître. La joie que j’avais d’être tombée si heureusement m’avait fait perdre toute vue d’intérêt, et je ne m’en étais d’ailleurs occupée que pour me mettre en état de marquer ma reconnaissance à mes hôtes. Je n’opposai rien à la prière que me fit l’intendant de reconnaître qu’il m’avait achetée d’un marchand d’esclaves. Il me promit à cette condition de me rendre de si bons offices auprès du Bacha que je tiendrais bientôt le premier rang dans son estime, et il me traça d’avance les moyens que je devais employer pour lui plaire. L’ayant prévenu en effet sur mon arrivée, il m’en fit obtenir un accueil qui remplit presque tout d’un coup l’idée que j’avais eue de sa fortune.

« Je fus établie dans un appartement de la magnificence de ceux que vous connaissez. Un grand nombre d’esclaves fut nommé pour me servir. Je passai quelque temps, seule, à recevoir les instructions qui devaient me former pour mon sort ; et dans ces premiers jours où je goûtai toute la douceur d’être servie au moindre signe, d’obtenir tout ce qui flattait mes goûts, et d’être respectée jusque dans mes caprices, je fus aussi heureuse qu’on peut l’être par un bonheur d’imagination. Ma satisfaction augmenta même, lorsqu’après quinze jours de préparation, le Bacha vint me déclarer qu’il me trouvait plus aimable que toutes ses femmes,