Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/80

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fut introduit la nuit suivante. Je fus obligée, pour tromper les esclaves, de quitter mon lit pendant leur sommeil, et de conduire le Turc dans un cabinet dont j’avais seule la clef. C’était le lieu où ma compagne se proposait de le recevoir pendant le jour.

« Il fallait de l’adresse pour se dérober aux regards d’un grand nombre de femmes et d’esclaves. Mais dans un sérail bien fermé, on ne s’alarmait point de nous voir quelquefois disparaître, et la multitude des appartements pouvait favoriser ces courtes absences. Cependant, le Turc, qui ne m’avait vue qu’un instant à la lumière d’une bougie, avait pris pour moi les sentiments qu’il avait pour ma compagne. Dès la première visite qu’elle lui rendit avec ma clef que je lui avais abandonnée, elle lui remarqua une froideur qu’elle ne put attribuer longtemps à sa crainte. Il lui fit naître des raisons de souhaiter que je fusse témoin d’une partie de leurs entretiens. Elles étaient si frivoles que, le soupçonnant aussitôt d’infidélité, elle résolut de s’en assurer en satisfaisant à ses désirs. Je ne résistai point à la prière qu’elle me fit de l’accompagner. Son amant garda si peu de mesures, que, choquée moi-même de lui voir si peu d’attention pour elle, je ne condamnai point le dépit qui la fit penser à le renvoyer la nuit suivante. Il ne fit qu’irriter sa jalousie par le chagrin qu’il en marqua, et ses regards me disaient en effet trop clairement la cause de ses regrets. Mais le châ-