Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/83

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des réflexions qu’il me fit naître, on doit s’attendre à celles qui vont le suivre. En mettant à part les différences du langage, je trouvai à la jeune Grecque tout l’esprit que Chériber m’avait vanté. J’admirai même que sans autre maître que la nature, elle eût arrangé ses aventures avec tant d’ordre, et qu’en expliquant ses rêveries ou ses méditations, elle eût donné un tour philosophique à la plupart de ses idées. Le développement en était sensible, et je ne pouvais le soupçonner de les avoir empruntées d’autrui, dans un pays où l’esprit ne se tourne pas communément à cette sorte d’exercice. Je crus donc lui découvrir un riche naturel, qui étant accompagné d’une figure extrêmement touchante, en faisait sans doute une femme extraordinaire. Ses aventures n’eurent rien de révoltant pour moi, parce que depuis quelques mois que j’étais à Constantinople, il m’arrivait tous les jours d’apprendre les plus étranges événements par rapport aux esclaves de son sexe, et la suite de cette relation en fournira bien d’autres exemples. Je ne fus pas surpris non plus du récit qu’elle m’avait fait de son éducation. Toutes les provinces de la Turquie sont remplies de ces pères infâmes, qui forment leur fille à la débauche, et qui n’ont point d’autre occupation pour soutenir leur vie, ou pour avancer leur fortune.

Mais en examinant l’impression qu’elle prétendait avoir ressentie d’une conversa-