Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/84

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tion d’un moment, et les motifs qu’elle avait eus pour souhaiter de m’avoir l’obligation de la liberté, je ne pus me livrer si crédulement à l’air de naïveté et d’innocence qu’elle avait su mettre dans sa contenance et dans ses regards. Plus je lui avais reconnu d’esprit, plus je lui soupçonnais d’adresse ; et le soin qu’elle avait eu de me faire remarquer plusieurs fois sa simplicité, était précisément ce qui me la rendait suspecte. Aujourd’hui, comme du temps des Anciens, la bonne foi grecque est un proverbe ironique. Ce que je pus donc m’imaginer de plus favorable, fut qu’étant lasse du sérail, et flattée peut-être de l’espérance d’une vie plus libre, elle avait pensé à quitter Chériber pour changer de condition, et que dans la vue de m’inspirer quelques sentiments de tendresse, elle avait profité du discours que je lui avais tenu, pour me prendre du côté par lequel je lui avais paru sensible. Si je supposais quelque réalité dans la description qu’elle m’avait faite de ses agitations de cœur et d’esprit, il était aisé d’en trouver la cause dans la situation d’une jeune personne, qui n’avait pas dû goûter beaucoup de plaisir près d’un vieillard. Aussi m’avait-elle vanté la modération du Bacha. Et pour ne rien déguiser, j’étais à la fleur de mon âge ; et si l’on n eme flattait pas sur ma figure, elle avait pu faire impression dans un sérail sur une jeune fille à qui je supposais autant de chaleur de tempérament que de vivacité d’esprit. J’ajou-