Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome I.djvu/89

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l’amour ne devint plus puissant que la justice. »

Ce discours me parut d’un homme d’honneur, et je dois ce témoignage aux Turcs qu’il y a peu de Nations où l’équité naturelle soit plus respectée.

Tandis qu’il m’expliquait ses sentiments avec cette noblesse, on lui annonça le Bacha Chériber, qui parut au même moment avec des marques de chaleur et d’agitation dont nous lui demandâmes impatiemment le sujet. Il était lié avec le Sélictar autant qu’avec moi, et c’était sur la recommandation de l’un que je me trouvais dans la même familiarité avec l’autre. Sa réponse fut de jeter à nos pieds un sac de sequins d’or, qui contenait mes mille écus.

« Qu’on est à plaindre, nous dit-il, d’être le jouet de ses esclaves ! Voilà un sac d’or que mon intendant vous a volé, ajouta-t-il en s’adressant au Sélictar. Et ce n’est pas son unique vol. À force de supplices je viens d’arracher de lui une horrible confession. Je ne lui ai conservé la vie que pour lui faire recommencer l’aveu de son crime à vos yeux. Je mourrais de honte, si cet infâme esclave ne me rendait justice ! »

Il proposa au Sélictar de permettre qu’il le fît introduire. Mais nous le priâmes l’un et l’autre de nous préparer à cette scène par quelques mots d’explication.

Il nous apprit qu’un autre de ses gens, jaloux à la vérité du pouvoir que l’intendant