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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome II.djvu/62

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de m’expliquer si ouvertement avec elle, qu’elle n’eût plus à combattre sa timidité, que je regardais désormais comme le seul obstacle qui l’arrêtât. Mais je voulais être libre pour une si grande entreprise.

Le Sélictar avait compté que nous retournerions ensemble à Constantinople. J’exagérai l’importance des affaires qui m’y rappelaient, pour le faire consentir à précipiter notre départ.

Le chevalier fut de notre voyage. Outre les raisons qui regardaient sa liberté, j’en avais une autre de ne le pas laisser à Oru dans mon absence ; ou du moins, j’avais à me déterminer sur une difficulté qui me causait quelque embarras.

Comme il y avait peu d’apparence qu’il pensât retourner en Sicile avec sa maîtresse, et qu’il était encore moins vraisemblable qu’il pût se retrouver avec elle sans retomber dans toutes les familiarités de l’amour, j’examinais s’il était convenable de souffrir chez moi un commerce si libre. Mes principes n’étaient pas plus sévères que ceux de la galanterie ordinaire, et je ne prétendais pas faire un crime à ces deux amants de se rendre aussi heureux que j’aurais souhaité de l’être avec Théophé ; mais si la chaleur de l’âge fait quelquefois oublier les lois de la religion, on conserve pour frein l’honnêteté morale, et je n’étais pas moins lié par la bienséance, qui m’imposait mille devoirs dans mon emploi.