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Page:Prévost - Histoire d’une Grecque moderne (Flammarion, 1899), tome II.djvu/61

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Nady Émir celle du jeune chevalier. Théophé acheva d’échauffer son zèle, en marquant qu’elle y prenait un vif intérêt.

Nous arrivâmes à Oru.

Le chevalier se déroba pendant que nous descendions de notre voiture ; mais il me fit prier un moment après de souffrir qu’il me vît seul, et la grâce qu’il me demanda à genoux, en me donnant le nom de son père et de son sauveur, fut de permettre qu’il prît aussitôt un autre habit. Quoique le moindre travestissement soit un crime pour un esclave, je ne le crus pas dangereux pour lui dans les circonstances. Il parut quelques moments après dans un état qui changea autant ses manières que sa figure ; et sachant déjà que sa maîtresse était libre, ou qu’elle n’avait plus d’autre maître que moi, il me demanda la permission de l’embrasser. Cette scène nous attendrit encore.

Je renouvelai au Sélictar la prière que je lui avais faite en sa faveur, et quoique je n’eusse point de liaison particulière avec Nady Émir, j’aurais assez compté sur la considération où j’étais parmi les Turcs pour me flatter de réussir moi-même auprès de lui.

L’obstination que le Sélictar avait eue à nous accompagner, me forçait de contenir des sentiments auxquels je confesse enfin qu’il était impossible de rien ajouter. Avec la certitude d’une sagesse constante dans l’aimable Théophé, je me croyais celle d’avoir triomphé de son cœur, et j’étais résolu