Page:Prévost - Manon Lescaut, Charpentier, 1846.djvu/131

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Je réfléchis donc sur les voies que j’avais à prendre, s’il arrivait que le lieutenant général de police continuât de m’y tenir malgré moi. Je mis mon industrie à toutes les épreuves, je parcourus toutes les possibilités ; je ne vis rien qui pût m’assurer une évasion certaine, et je craignis d’être renfermé plus étroitement si je faisais une tentative malheureuse. Je me rappelai le nom de quelques amis de qui je pouvais espérer du secours : mais quel moyen de leur faire savoir ma situation ? Enfin je crus avoir formé un plan si adroit qu’il pourrait réussir, et je remis à l’arranger encore mieux après le retour du père supérieur, si l’inutilité de sa démarche me le rendait nécessaire.

Il ne tarda point à revenir. Je ne vis pas sur son visage les marques de joie qui accompagnent une bonne nouvelle. « J’ai parlé, me dit-il, à M. le lieutenant général de police, mais je lui ai parlé trop tard. M. de G*** M*** l’est allé voir en sortant d’ici, et l’a si fort prévenu contre vous, qu’il était sur le point de m’envoyer de nouveaux ordres pour vous resserrer davantage.

» Cependant, lorsque je lui ai appris le fond de vos affaires, il a paru s’adoucir beaucoup ; et, riant un peu de l’incontinence du vieux M. de G*** M***, il m’a dit qu’il fallait vous laisser ici six mois pour le satisfaire, d’autant mieux, a-t-il dit, que cette demeure ne saurait vous être inutile. Il m’a recommandé de vous traiter honnêtement, et je vous réponds que vous ne vous plaindrez point de mes manières. »

Cette explication du supérieur fut assez longue