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Page:Pradez - La Revanche du Passé, 1900.djvu/158

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tude. Il lui semblait parfois qu’elle et lui jouaient le même jeu ; qu’ils n’étaient l’un pour l’autre qu’un moyen insignifiant pour atteindre un but caché.

Toute expansion simple et naturelle semblait impossible à Élisabeth, comme si son âme orgueilleuse, blessée à vif, mutilée par la honte de sa naissance, avait perdu à jamais le pouvoir de la spontanéité et de la franchise.

Pourtant, au milieu d’incessantes oscillations d’humeur, André croyait parfois distinguer chez sa fiancée la chaleur pénétrante qui, là-bas, en face des cerisiers, dans le cadre frais d’un beau jour de mai, l’avait, pendant un instant très court, surpris et grisé. Dans ces moments-là, Élisabeth oubliait le doute qui la rongeait, sa figure expressive perdait sa contraction habituelle ; elle s’illuminait tout à coup d’une clarté intérieure, très intense, que l’œil ouvert de sa mère interprétait douloureusement.