Page:Pradez - La Revanche du Passé, 1900.djvu/275

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traverser le vestibule, avant même d’avoir vu apparaître sur le seuil la robe noire aux plis vides, son courage s’envolait.

Elle avait la claire perception de l’immense distance créée entre elle et sa mère par la suite monotone d’innombrables jours d’hostilité. Comment le bruit des mots traverserait-il ce large désert muet ?

Ce jour-là, cependant, elle répéta son appel craintif :

— Maman !

Cette fois les lèvres fermées de la mère s’entr’ouvrirent ; elle articula très bas :

— Que veux-tu ?

Tout de suite le courage d’Élisabeth fléchit. Il lui fut impossible de prononcer tout haut ce qu’elle avait si laborieusement préparé. En face du regard étonné de sa mère, sa longue sécheresse à elle, tenace et méchante, son intraitable obstination, sa résistance agressive et mordante, l’insulte que chacune de ses heures avait distillée, tantôt ouvertement, tantôt dans le mystère