Page:Pradez - La Revanche du Passé, 1900.djvu/284

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Pour la première fois, une main touchait directement à sa plaie sans la rouvrir, et c’était la main d’Élisabeth !

Elle la revit toute petite fille, errant avec un air de soupçon craintif dans l’enclos misérable. Elle revit la figure haineuse de Gertrude, les grandes maisons mal habitées, clôturant de tous côtés le carré de terre aride, toute la tristesse pesante qui avait accompagné cette destinée d’enfant jusqu’au jour où, assoiffée d’honorabilité et de bonheur, Elisabeth avait rencontré André. Jetée dans la vie dans les mêmes conditions, une autre aurait-elle eu le courage d’un généreux pardon ? Était-il possible qu’une autre, à la place d’Élisabeth, eût pu, sans révolte, accepter le fardeau d’un opprobre immérité ? Non. Peut-être, par charité, une autre eût-elle réussi à mieux cacher une invincible réprobation, à la dissimuler même à ce point qu’aucun œil, pas même l’ardente perspicacité maternelle, ne l’eût devinée, mais elle serait restée stagnante dans quelque coin du cœur, et à