Page:Pradez - Les Ignorés.djvu/115

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
109
le garde-voie

voir passer et fuir en sifflant vers des choses et des lieux inconnus. Elle n’éprouvait aucune curiosité de ces contrées étrangères et lointaines. Son univers, son présent, son avenir, tout ce que le sol de ce monde pouvait donner d’espoir et de joie tenait pour elle dans l’étroit espace où Jérôme, attentif aux devoirs de sa charge, veillait. Elle compta sur ses doigts.

— Une à deux, deux à trois, trois à quatre, quatre à cinq : dans quatre heures il pourra être ici !

En même temps, elle fît un mouvement pour quitter la fenêtre, où ses membres, raidis de froid, s’engourdissaient, mais, juste au moment où elle éloignait son visage de la vitre, elle crut voir, par le petit coin de verre que le contact de son front avait dégelé, des traces de pas sur le tapis immaculé de la neige. Cela la saisit jusqu’au cœur. Elle resta quelques minutes enracinée à la même place, considérant, d’un œil agrandi, les creux profonds trouant l’épaisse couche de neige. Ces traces, toutes fraîches, semblaient s’être dirigées d’abord directement vers la porte, puis un coude brusque les faisait obliquer du côté du jardin, derrière l’habitation. Depuis la tombée de la nuit, quelqu’un était venu rôder autour de la demeure solitaire. À quelle intention ? Il était impossible de le deviner.

Elle quitta la fenêtre et, sans faire de bruit, elle alla pousser le verrou, puis elle acheva de s’habiller d’une main maladroite, les doigts engourdis de froid. Quand