Aller au contenu

Page:Pradez - Les Ignorés.djvu/116

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
110
les ignorés

elle fut prête, elle resta debout au milieu de la chambre sans savoir que faire. Au lieu de la peur fiévreuse qu’elle avait ressentie naguère à son réveil, elle éprouvait une inquiétude sérieuse qu’elle tâchait de raisonner calmement.

Quelque danger qui pût la menacer, il lui sembla plus sage de s’étendre sur son lit et d’y rester dans l’immobilité du sommeil jusqu’au retour de Jérôme, si, comme elle essayait de se le persuader, rien d’insolite ne survenait jusque-là. Auparavant cependant il fallait enlever la clef de l’armoire où, dans une tirelire de métal, Jérôme déposait, une à une, ses économies. Elle n’avait jamais eu la curiosité de regarder dans cette boîte. Quelquefois, pour le plaisir de la voir se boucher les oreilles au cliquetis éclatant des grosses pièces, Jérôme secouait le coffret tout près de sa figure, mais il n’avait jamais pensé à compter devant elle sa petite fortune. Ne la laissait-il pas libre, si elle le désirait, de vider le contenu de la boîte à toutes les heures de la journée ? Elle alla jusqu’à l’armoire, mais la clef, qu’on n’enlevait jamais, grinçait dans la serrure. Elle eut peur de faire trop de bruit en la retirant. Dans le cas où quelqu’un serait aux aguets autour de la maison, une rumeur quelconque venant de l’intérieur servirait peut-être de signal. Il valait mieux qu’on la crût endormie.

Elle se glissa tout habillée dans son lit et y resta immobile, les yeux fixés sur la fenêtre, où des forêts et des clairières, de fines broussailles dentelées et de