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le garde-voie

pas ici ! Au milieu de la nuit, tu viens pour m’épouvanter !

— Si je viens par ce temps du diable, dit le jeune homme froidement, c’est que j’ai de bonnes raisons pour venir.

Elle le vit frissonner dans ses habits mouillés et sa sollicitude pour le fils de Jérôme se réveilla.

— Avant tout, dit-elle, il faut te sécher, te réchauffer. Je vais faire cuire un verre de vin, tu parleras après.

— Non, dit-il d’un ton moins étouffé, comme si la bienveillance de sa belle-mère lui redonnait courage. Ce que j’ai à dire, je le dirai tout de suite.

Il se redressa de toute sa haute taille d’homme jeune et vigoureux, approcha sa figure imberbe du visage de Catherine et lui souffla dans l’oreille :

— Il me faut de l’argent ! Voilà !

Catherine recula, étourdie comme si elle eût reçu un coup sur la tête, et elle balbutia, la voix haletante :

— Tu n’as pas honte de venir la nuit t’attaquer à une femme seule comme un…

Elle s’interrompit et ajouta froidement :

— Je n’ai pas un sou, entends-tu, rien, pas un centime à te donner.

Et une appréhension affreuse lui tordit le cœur tandis qu’elle pensait à Jérôme, pâle de sa patiente veillée, là-bas, dans la neige, fidèle à son poste, toujours respectueux de son devoir.

— Pas vous, dit le jeune homme nettement sans quitter son air agressif, mais mon père, oui.