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Page:Pradez - Les Ignorés.djvu/122

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les ignorés

guisé ses facultés, son sentiment actuel était si complexe qu’elle hésitait à parler. Elle dit enfin :

— On ne mêle pas l’amour et l’argent. Ce sont deux choses qu’on ne doit pas mêler. Pour que tu les mêles ces deux choses, que tu viennes de nuit effrayer ta mère quand tu es sûr de la trouver seule, cette femme dont tu parles doit être une pas grand’chose.

Il ne nia pas. On eût dit, au contraire, que le jugement de sa belle-mère le soulageait de quelque torture intérieure, comme s’il éprouvait, à entendre mal parler de cette créature qui l’avait dépouillé de sa gaieté et de son insouciance, une subtile volupté. Un instant Catherine put croire qu’elle aurait raison, sans trop de peine, de ce jet de folle passion. Mais son illusion fut de courte durée.

— Qu’elle soit ce qu’elle veut, reprit Jules, après un court silence, cela ne regarde personne que moi. Telle qu’elle est, je l’aurai.

Et pour couper court à toute récrimination subséquente, il poursuivit d’un ton provocant :

— Je la prendrai comme mon père vous a prise, s’il le faut ; contre l’idée de tout le monde. D’ailleurs on n’a rien à lui reprocher, à elle.

Catherine resta muette. La parole malveillante avait touché le point sensible de son être et un dégoût lui venait pour ce qu’elle devinait de bas, de pervers, d’incorrigible dans l’esprit de ce garçon qui était le fils de Jérôme. Les yeux fixés sur le feu, elle demeura pensive.