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Page:Pradez - Les Ignorés.djvu/126

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les ignorés

une autre femme que, sans doute, il avait aimée davantage, puisqu’elle lui avait donné un fils. Ce fils là ! Elle le regardait avec de grands yeux épouvantés, cherchant dans les traits juvéniles où, peu à peu, le rose de la jeunesse remplaçait la livide pâleur, une ressemblance de femme et, à son indicible consternation, elle la trouvait. Pour la première fois, depuis quatre ans qu’elle habitait la maisonnette, l’amour de Jérôme pour ce misérable la poignait d’une douleur personnelle, intense. Elle aurait voulu crier au père le crime du fils, traîner dans la boue et la poussière tous les souvenirs d’un passé où elle n’avait point eu de place, mais en même temps, elle sentait nettement que jamais l’acte hideux qu’elle avait vu s’accomplir sous ses yeux ne devait sortir du silence. Non, jamais Jérôme ne devait connaître les tortures qui avaient broyé sa propre jeunesse !

Jules avait remis à sa place la boîte allégée de son contenu. L’expression d’ardente angoisse avait tout à fait disparu de son visage, et il répétait du ton câlin que Catherine avait aimé autrefois sans jamais pourtant s’y laisser prendre tout à fait :

— Quand je vous jure que je vous rapporterai le tout ; sur l’âme de ma mère que je jure ! Que voulez-vous de plus ? Vous, qui savez ce que c’est que le sentiment, vous aurez bien un peu de complaisance, hein ? Quand je vous répète que je rapporterai jusqu’au dernier centime. Dites, c’est entendu, vous m’aidez un peu, comme autrefois, quand je vous