Page:Pradez - Les Ignorés.djvu/133

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
127
le garde-voie

bat. Toute son attention était prise par autre chose. Elle songeait, avec la ténacité opiniâtre d’un instinct, à éviter à Jérôme la souffrance et le déshonneur. Comment ? Elle ne savait pas, mais ce qu’elle saisissait nettement, c’était la nécessité immédiate de faire disparaître tout ce qui pourrait donner à Jérôme l’idée d’une recherche dans son domicile. D’abord gagner du temps, elle aurait le loisir de réfléchir ensuite. Elle remit en ordre la pile de linge que la main brutale de Jules avait dérangée, tâta la boîte de métal du bout des doigts en frémissant, essuya par terre, autour de l’âtre, les petites flaques d’eau que les habits ruisselants de Jules y avaient laissées, et se redressant, elle aperçut dans la petite glace verdâtre pendue à côté de la fenêtre, une toison de cheveux clairs et crépus ébouriffés et une figure livide. Quand elle aurait eu les mains tachées de sang, son visage n’aurait pas été plus décomposé. Que Jérôme ouvrit les yeux et la regardât, il soupçonnerait aussitôt un malheur. Elle passa à plusieurs reprises ses mains brûlantes sur ses joues blêmes et murmura :

— Mais je n’ai rien fait de mal, moi. Rien !

Quand Jérôme s’éveilla dans le courant de la matinée, il trouva comme à l’ordinaire son déjeuner préparé.

De son pas vif et léger de femme active, Catherine allait et venait dans la chambre. Son visage avait repris son expression habituelle, mais deux cercles noirs meurtrissaient ses paupières et son teint de blonde